Eternels étrangers de l’interieur, par Christophe Robert – Ed. Desclée de Brouwer, 2007, 452 p., 29 euros.

Qui sont vraiment les  » Gens du voyage  » ? Peu satisfaisante, cette appellation renvoie à un ensemble de petits groupes de traditions, de religions et d’histoires souvent différentes qui s’auto-désignent Roms, Gitans, Manouches ou Yéniches. Quatre cent mille en France, les Tsiganes, qu’ils soient sédentaires ou nomades, intriguent, suscitent de la fascination, provoquent le rejet. Comment les définir ? Pourquoi ces populations se sont-elles distinguées de celles qui les entourent ? Comment s’approprient-elles les réalités du monde auquel elles participent ? Quelles sont la nature et l’origine du rejet dont les populations tsiganes sont victimes ? C’est tout l’objet de la recherche présentée ici par le sociologue Christophe Robert, pour mieux s’interroger sur l’affirmation de modes de vie et de positionnements en rupture avec le reste de la société.


 

Gens du Voyage, droit et vie quotidienne en France – Marc Bordigonied. DALLOZ collection  » À Savoir  » – ISBN 978-2-247-10557-1 – 320 pages – 3 euros

Les  » gens du voyage  » que l’on appelle couramment  » gitans « , confondus parfois sciemment avec les Roms, sont des citoyens français à qui la République impose depuis plus de cent ans des lois et règlements particuliers. Cet ouvrage rend compte des incidences de ces lois sur la vie quotidienne de ces familles françaises, et comment elles ont contribué à favoriser un entre-soi qui a pu se transformer en marginalisation. Mais aussi comment les familles ont su maintenir un style de vie particulier organisé autour de valeurs essentielles (l’indépendance économique et la solidarité, …). Des sources multiples sont mobilisées : souvenirs des anciens, témoignages de personnes ayant côtoyé ces familles (prêtres, travailleurs sociaux, journalistes).

Marc Bordigoni est chercheur à l’Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative (IDEMEC – Aix-Marseille Université et CNRS) Maison méditerranéenne des sciences de l’homme, Aix-en-Provence.

 


 

Le contrôle des Tsiganes en France (1912-1969). Emmanuel Filhol. ed. Karthala. 2013.276 p

Le 16 juillet 1912, le Parlement français votait une loi sur « l’exercice des professions ambulantes et la réglementation de la circulation des nomades ». Cette loi constituait un tournant dans la politique discriminatoire adoptée par la République envers les Tsiganes (« nomades »), dont la présence en France remonte au Moyen Âge. Elle imposait à tout nomade âgé de plus de treize ans le port obligatoire d’un carnet anthropométrique d’identité, auquel s’ajoutait le carnet collectif pour la famille. Le carnet anthropométrique des nomades s’inscrivait dans le prolongement des méthodes et des procédés du bertillonnage appliqués aux criminels depuis le début des années 1880. Des populations bohémiennes, jugées uniquement sur leur mode de vie, durent alors se soumettre à une procédure distinctive d’encartement qui les stigmatisait, renforçait leur exclusion de la communauté nationale, favorisait la répression à leur encontre et visait à les contraindre à la sédentarisation. Cet ouvrage expose la genèse du dispositif législatif de contrôle des nomades instauré par la loi de 1912, de son élaboration à son adoption et à sa mise en application, ainsi que les incidences indirectes que la loi eut sur le traitement administratif des Tsiganes pendant les deux guerres mondiales et jusqu’à son abrogation en 1969.

 


 

Sur ces chemins où nos pas se sont effacés… Louise « Pisla » Helmstetter. Strasbourg, La Nuée Bleue, 2012. 219 p.

« Rien ne nous appartenait
Mais nous appartenions au monde
Et vivions en harmonie avec lui. »

Ainsi parle Louise Helmstetter, tzigane née en 1926 dans une roulotte quelque part au creux des collines boisées de l’Alsace du Nord, devenue la mémoire vivante d’un monde disparu, broyé par le progrès technique et par les guerres. L’eau et le vent, les animaux et les fleurs, le rythme des saisons et la route qui appelle, toujours plus loin, toujours ailleurs. Pisla – c’est le prénom tzigane de Louise – ne sait ni lire ni écrire mais elle se souvient de tout et raconte comme une poétesse. Elle trouve les mots pour dire la musique et l’insouciance, le froid et la solidarité, le chant de l’oiseau et la, fraîcheur de la rosée, la bonté comme la méchanceté des humains. Elle a connu le choc terrible de la guerre, l’expulsion par les nazis, le refuge précaire à Lyon, avant le retour dans une région vidée de ses tziganes. Pour rester libre et fière dans un monde devenu hostile à son peuple, Louise a choisi avec sa famille de s’installer dans une maison au pied des Vosges, mais elle a gardé intactes et transmis, plus vivantes que jamais, la culture, la langue et les valeurs tziganes. Musique, pèlerinages, film, rencontres – avec Yehudi Menuhin et Ravi Shankar – et l’impérieuse nécessité de défendre une culture menacée.

 


 

Fichés? Photographie et identification, 1850-1960
Jean-Marc BERLIERE, Pierre FOURNIER, COLLECTIF, septembre 2011, 336 p., ISBN : 978-2-262-03675-1 Prix : 28€

 

A l’occasion de l’exposition « Fichés ? Photographie et identification » présentée aux Archives Nationales et mise en perspective pour les meilleurs historiens, le 15 septembre 2011, ce livre raconte l’histoire inconnue, source secrète des politiques de fichage depuis le Second Empire. Une iconographie riche et inédite exhumée des dossiers du ministère de l’Intérieur. Quoi de commun entre la  » femme galante  » Emma C., le  » communard  » Armand H., l' » opiomane  » Jeanne B. et l' » apatride  » Andronik E. ? Ils ont tous été fichés, leur photographie figure dans un registre, dans un dossier ou sur une fiche signalétique. Généralement promis à la destruction, des millions de ces documents sont conservés par les services d’archives et sont aujourd’hui présentés. Retraçant les étapes marquantes de cette histoire de l’identification à travers la photographie, des premiers essais maladroits du Second Empire jusqu’au recensement de 1960 en Algérie, ces documents révèlent toute la complexité des rapports entre l’Etat et les citoyens, entre résistance et consentement, protection et répression, indulgence et violence. Un chapitre est consacré au contrôle des  » nomades  » sous la plume d’Emmanuel Filhol, Marie Christine Hubert et Adèle Sutre : le rôle des brigades mobiles dans la photographie des nomades, la  » famille nomade  » sous le regard des polices, des camps spécifiques d’internement pendant la Seconde Guerre mondiale.
Cet ouvrage a été dirigé par Jean-Marc Berlière, professeur émérite à l’université de Bourgogne, et Pierre Fournié, conservateur général du patrimoine et responsable du département de l’action culturelle et éducative aux Archives nationales.

 


 

 

Un jour, il t’arrivera du bonheur – Micheline Guerdner, Editions vivre tout simplement, 2011

Sa  » petite voix  » lui a toujours prédit qu’elle écrirait son livre et pourtant, cette femme, ne sait ni lire ni écrire. Il aura fallu une accumulation de drames dans sa vie pour que Micheline s’empare de son destin et y mette les mots qui lui permettront de relever la tête… Un jour, elle rencontre deux écrivains, Sophie Denis et Michel Suzzarini. Durant neuf mois de rencontres, ils vont l’écouter, prendre des notes puis restituer la parole de Micheline. Le souhait de Micheline : parler de l’affaire Joseph Guerdner, son fils abattu par un gendarme en mai 2008 à Draguignan alors qu’il tente de s’évader d’une garde à vue. Malgré un procès houleux qui soulève beaucoup de questions, le gendarme sera acquitté.
En libérant sa voix, Micheline se soulage de ses fardeaux. Par ce livre, elle ouvre une voie pacifique de rencontre entre les sédentaires et les Voyageurs.

 


 

Enclaves nomades Habitat et travail mobiles. Arnaud Le Marchand. Editions du Croquant, 2011. 226 p

Depuis la fin des années quatre-vingt en Europe : squats, foyers, tentes, caravanes, fourgons, etc. réapparaissent de plus en plus fréquemment. Or l’habitat précaire et mobile est une pratique de groupes professionnels : marchands et industriels forains, travailleurs des transports, salariés du bâtiment et de l’industrie, voire du secteur tertiaire… personnes sans-emploi. Ces formes de logements occupent des espaces reliés à des fonctions, elles ne sont pas  » hors jeu « . Ce monde du travail et de l’habitat mobile ou précaire permet de saisir certains aspects des changements économiques en cours. Il est en outre impliqué dans les migrations, le tourisme et les fuites hors du salariat. L’examen de divers fonds d’archives permet de retrouver le monde de l’habitat mobile ou de passage au cours du xixe et du xxe siècles. Il s’articule à des organisations de l’intermittence sur les ports, il est impliqué dans des processus d’innovations via les foires. Les nouvelles formes d’organisation de la production industrielle expliquent son renouvellement. Il s’agit d’un monde transverse à différentes sphères de la circulation et de la production. On peut ainsi esquisser des liens entre les mutations du travail  » post-fordistes  » et les changements de la ville contemporaine. L’habitat  » non-ordinaire  » n’est pas une scorie, mais au contraire une production actuelle qui recherche sa légitimité entre spatialisation de la question sociale et discours radicaux.

Arnaud Le Marchand est maître de confèrences en sciences économiques à l’université du Havre. Il collabore à la revue Multitudes, ses recherches portent sur l’économie du travail et l’économie urbaine dans la mondialisation.
Commandes : http://atheles.org/editionsducroquant/terra/enclavesnomades/index.html

 


 

Interdit aux Nomades, Raymond Gurême et Isabelle Ligner, Editions Calmann-Lévy, 2011. – 233 p. ISBN 978-2-7021-4221-9 : 17 €.

A 85 ans, Raymond Gurême est l’un des rares survivants d’une page occultée de l’histoire de France : celle de l’internement sur son sol de familles  » nomades « , de 1940 à 1946.
Né en 1925 dans une roulotte, comme ses ancêtres – français et itinérants depuis des générations – Raymond a suivi leur pas sur la piste du cirque familial. Clown et acrobate, il a également aidé ses parents, qui possédaient un cinéma ambulant, à faire connaître cette nouvelle forme de culture et de divertissement dans la France profonde, où ces « roulottiers » étaient accueillis comme des vecteurs de « civilisation ».
Mais ce monde enchanté disparait brutalement en 1940 lorsque la famille de Raymond est victime des persécutions de Vichy à l’égard des  » nomades « . Raymond, ses parents et ses huit frères et soeurs seront tout d’abord enfermés à Darnétal, près de Rouen avant d’être transférés à Linas-Montlhéry, dans l’Essonne. Là, ils vivent sous la garde de policiers et gendarmes français, séparés du monde, sans nourriture, sans hygiène, sans chauffage.
Digne descendant des Fils du vent, Raymond refuse de se laisser enfermer : il réussit toujours à s’échapper de maisons de redressement, de camps d’internement en France et de camps de discipline en Allemagne.
Pour survivre, il met à profit ses talents d’acrobate pour se  » nachave  » ( » s’évader  » en romani) et son humour de clown lui évite de perdre espoir dans les pires situations. A 18 ans, il rejoint la Résistance et participe activement à la Libération mais cela ne lui vaudra aucune reconnaissance. Lui et les siens connaîtront un véritable déclassement après-guerre.
Pour exprimer sa souffrance, Raymond Gurême, qui a 15 enfants et 150 descendants, a ancré sa famille face au camp de Linas-Montlhéry, où sa mémoire est restée fixée. Essentiel au regard de l’histoire, son témoignage plein de gouaille est d’une brûlante actualité car il est aussi politique et engagé et éclaire les liens entre les persécutions passées et les discriminations dont souffrent actuellement les « gens du voyage ».
Son récit passionnant se lit comme un roman d’aventures, tant ce personnage haut en couleur a défié la mort à de multiples reprises.